Révolution dans les missions mondiales (Page 9 / 31)

Un e-book de K. P. Yohannan

J'étais saisi d'étonnement

En changeant d'avion pour Dallas à l'aéroport international JFK à New York, j'ai été saisi par tout ce que je voyais et entendais autour de moi. Les gens qui vivent en Europe et en Asie entendent parler de l'abondance et de la prospérité des ÉtatsUnis, mais tant qu'ils n'en n'ont rien vu, ces histoires leur semblent des contes de fées.

Non seulement les Américains sont ignorants de leur richesse, mais ils donnent parfois même l'impression de la mépriser. J'ai trouvé un fauteuil pour m'asseoir et j'ai regardé avec étonnement la façon dont les gens traitaient leurs beaux vêtements et chaussures. La richesse des tissus et des couleurs surpassait tout ce que j'avais jamais vu. Comme je le découvrirais encore et encore, cette nation tient pour acquis son incroyable fortune.

Et comme je l'ai fait plusieurs fois, presque quotidiennement, au cours des semaines qui ont suivi, je comparais leurs vêtements à ceux des missionnaires évangélistes que j'avais quittés quelques semaines auparavant. Plusieurs d'entre eux vont pieds nus de village en village ou travaillent en petites sandales légères. Leurs vêtements de coton, usés ne serviraient même pas de chiffons aux États-Unis. Ensuite, j'ai découvert que la majorité des américains ont des garde-robes remplies de vêtements qu'ils ne portent qu'à l'occasion, et j'ai repensé à toutes ces années pendant lesquelles j'avais voyagé avec les seuls vêtements que j'avais sur le dos. J'avais vécu comme la plupart des évangélistes de village.

L'économe Robert Heilbroner décrit le luxe que la famille américaine typique devrait abandonner si elle vivait parmi le milliard de personnes affamées du tiers-monde :

Nous commençons l'invasion de la maison de notre famille américaine imaginaire en la vidant de ses meubles. Tout doit sortir : lits, chaises, tables, postes de télévision, lampes. Nous laisserons à la famille quelques vieilles couvertures, une table de cuisine, une chaise de bois. Les vêtements s'en vont avec les commodes. Chaque membre de la famille peut garder dans sa garde-robe, son plus vieil habit ou sa plus vieille robe, une chemise ou une blouse. Nous permettrons au chef de famille de garder une paire de chaussures, mais la femme et les enfants n'en auront pas.

Passons à la cuisine. Les électroménagers sont déjà partis, alors, nous nous tournons vers les armoires… La boîte d'allumettes peut rester, un petit sac de farine, du sucre et du sel. Nous récupérons quelques pommes de terre moisies de la poubelle, car elles constitueront la plus grande partie du repas de ce soir. Nous laisserons une poignée d'oignons et un plat de haricots secs. Nous enlevons tout le reste : la viande, les légumes frais, les conserves, les craquelins, les friandises.

Maintenant, nous avons vidé la maison : la salle de bain a été démantelée, l'eau courante coupée et les fils électriques enlevés. Ensuite, nous enlevons la maison. La famille peut emménager dans la remise de jardin… Les moyens de communication doivent maintenant disparaître. Plus de journaux, de magazines, de livres – ce n'est pas comme si ces choses vont leur manquer, puisque nous devons enlever à la famille ses connaissances en écriture et en lecture. À leur place, dans notre bidonville, nous leur permettrons d'avoir une radio…

C'est au tour des services gouvernementaux de partir. Plus d'employés des postes, plus de pompiers. Il y a une école, mais elle est située à cinq kilomètres d'ici, et elle n'a que deux salles de classe… Évidemment, il n'y a ni hôpitaux ni médecins à proximité. La clinique la plus proche se trouve à une quinzaine de kilomètres et elle est dirigée par une sage-femme. On peut s'y rendre à bicyclette, à condition que la famille en possède une, ce qui est peu probable…

Finalement, l'argent. Nous allouerons à la famille une réserve de cinq dollars. Cela évitera au soutien de famille de connaître la tragédie subie par un paysan iranien qui a perdu la vue parce qu'il n'arrivait pas à amasser les 3,94 $ qu'il croyait nécessaires pour être admis à l'hôpital où il aurait pu se faire soigner.

Voilà une description très représentative du style de vie et du monde dans lequel j'ai grandi. Dès l'instant où j'ai touché le sol américain, j'étais saisi d'étonnement. Comment deux économies si différentes peuvent-elles coexister sur la terre? Tout était si accablant et déroutant pour moi au début. Non seulement il m'a fallu apprendre les plus simples gestes, comme me servir d'un téléphone public et faire de la monnaie, mais en tant que chrétien sensible, je mettais en doute le fondement spirituel de tout ce que je voyais.

Les jours se sont transformés en semaines et j'étais alarmé en voyant à quel point les valeurs spirituelles de la plupart des croyants occidentaux étaient déplacées. Tristement, il me semblait qu'ils avaient, pour la plupart, adopté les mêmes valeurs humanistes et matérialistes qui dominaient la culture séculière. Presque aussitôt, j'ai senti qu'un terrible jugement pendait au-dessus des États-Unis et que je devais avertir le peuple de Dieu qu'Il ne les garderait pas dans cette grande abondance pour toujours. Cependant, le message n'était pas encore formé dans mon cœur, et beaucoup d'années devaient s'écouler avant que je ne reçoive l'onction et le courage pour dénoncer de tels péchés.

Pendant ce temps, au Texas, un territoire qui est très représentatif de l'Amérique, j'étais en état de choc en voyant les choses les plus communes. Mes hôtes étaient fiers de me montrer ce qu'ils considéraient comme leurs plus grandes réussites. J'approuvais poliment d'un signe de la tête pendant qu'ils me montraient leurs énormes églises, leurs gratte-ciels et leurs universités. Mais ces bâtiments ne m'impressionnaient pas vraiment. Après tout, j'avais vu le Temple Doré d'Amritsar, le Taj Mahal, les Palais de Jhansi et l'Université de Baroda dans l'état du Gujarat.

Ce qui impressionne les visiteurs du tiers-monde, ce sont les choses simples que les Américains tiennent pour acquises : l'eau potable disponible 24 heures par jour, l'électricité en quantité illimitée, des téléphones qui fonctionnent et un magnifique réseau de routes pavées. Comparé aux pays occidentaux, le développement en Asie n'en est encore qu'à ses débuts. À l'époque, nous n'avions pas encore la télévision en Inde, mais il semblait y en avoir un poste dans chaque pièce de la maison de mes hôtes américains, et ils étaient allumés jour et nuit. Cette constante propagation médiatique me dérangeait. Je ne comprenais pas pourquoi les américains semblaient avoir toujours besoin d'être entourés de bruit. Même dans leurs voitures, j'ai remarqué que la radio était toujours en marche même quand personne ne l'écoutait.

Je me demandais pourquoi ils avaient constamment besoin d'être divertis ou de divertir les autres. On aurait dit qu'ils essayaient d'échapper à une culpabilité qu'ils n'avaient pas encore définie ou reconnue.

Je ne cessais de remarquer combien la plupart des américains étaient grands et avaient des kilos en trop. Les Américains ont besoin de grandes voitures, de maisons spacieuses et de gros meubles parce que ce sont des gens corpulents.

J'étais étonné de voir à quel point manger, boire, fumer et même la consommation de drogues constituaient une importante partie de la vie des Occidentaux. Même parmi les chrétiens, la nourriture semblait faire souvent partie des activités de communion fraternelle.

Bien sûr, cela n'a rien de mal en soi. Les repas agapes occupaient une place importante dans la vie de l'Église du Nouveau Testament. Mais on peut pousser la chose à l'extrême. L'ironie de la situation, c'est le prix relativement bas que les nord-américains paient pour la nourriture. En 1998, les dépenses personnelles aux États-Unis représentaient 19'049 $ par personne. De cette somme, 1'276 $ (6.7 %) servaient à l'achat de nourriture, laissant un confortable 17'773 $ pour les autres dépenses. En Inde, une personne n'avait en moyenne que 276 $ à dépenser, dont 134 $ (48.4 %) servaient à acheter de la nourriture, laissant un maigre 142 $ pour les autres besoins de l'année. J'ai vécu avec cette réalité tous les jours de ma vie, mais les Américains ont beaucoup de difficulté à penser ainsi.

Souvent, lorsque je prêchais dans une église, les gens semblaient émus quand je parlais de la souffrance et des besoins des évangélistes natifs de l'Asie. Habituellement, ils faisaient une offrande et me présentaient un chèque qui semblait représenter une somme importante. Puis, dans leur générosité habituelle, ils m'invitaient à manger avec les leaders après la réunion. J'étais horrifié de constater que ce repas coûtait souvent plus cher que ce qu'ils venaient de donner pour les missions. Et j'étais aussi très étonné de constater que les américains mangent généralement en un seul repas une quantité de viande suffisante pour nourrir toute une famille asiatique pendant une semaine. Personne d'autre que moi ne semblait jamais remarquer cela, et j'ai réalisé qu'ils n'avaient pas compris mon message. Ils étaient simplement incapables de saisir les besoins énormes des pays étrangers.

Encore aujourd'hui, j'hésite souvent à commander de la nourriture quand je voyage aux États-Unis. Je regarde le prix et je pense à tout ce qu'on pourrait faire avec cet argent en Inde, au Myanmar (anciennement la Birmanie) ou aux Philippines. Aussitôt, je n'ai plus tellement faim.

Un missionnaire et sa famille sont souvent sans nourriture pendant quelques jours, et ce n'est pas parce qu'ils ont décidé de jeûner, mais bien parce qu'ils n'ont pas d'argent pour acheter du riz. Cette situation se produit surtout lorsqu'ils commencent un nouveau ministère dans un village où il n'y a pas de chrétiens.

En me rappelant les souffrances de mes frères asiatiques, je refusais souvent les desserts qu'on m'offrait. Je suis conscient que cela ne donnait rien de plus aux familles affamées, mais il m'était difficile de prendre plaisir à manger tandis que des ouvriers chrétiens en Asie n'avaient rien à avaler. Ce besoin est devenu très réel pour moi à travers le ministère du frère Moses Paulose, un missionnaire local que nous soutenions financièrement.

Des milliers de pêcheurs pauvres et sans éducation vivent isolés du monde sur les rives de milliers d'îles en Asie. La plupart d'entre eux habitent de petites huttes faites de feuillage et ils ont des vies très simples; ils travaillent très fort et ont peu de plaisir. Ces pêcheurs et leur famille sont parmi les gens qui ont le moins entendu parler de l'Évangile au monde. Mais Dieu a choisi Paulose et sa famille pour apporter l'Évangile dans les villages de pêche du Tamil Nadu sur la côte est de l'Inde.

Je me souviens d'avoir rendu visite à Paulose et sa famille. Une des premières choses qu'il a découverte quand il a commencé à visiter les villages, c'est qu'il ne pouvait utiliser aucune forme de matériel écrit parce que ces villageois ne savaient pas lire. Il a donc décidé de présenter des diapositives, mais il n'avait pas de projecteur ni d'argent pour en acheter un. Il est donc allé plusieurs fois à l'hôpital pour vendre son sang jusqu'à ce qu'il ait amassé l'argent nécessaire.

C'était impressionnant de voir les foules que son projecteur attirait. Aussitôt que Paulose a accroché le drap blanc qui servait d'écran de projection, des milliers d'adultes et d'enfants se sont assemblés sur la plage. Paulose chantait des chants évangéliques dans un haut-parleur branché sur une batterie d'automobile, et son fils de cinq ans citait des versets de la Bible aux passants.

Au coucher du soleil, le frère Paulose a commencé sa présentation. Pendant des heures, des milliers de personnes étaient assises dans le sable à écouter le message de l'Évangile tandis que la mer murmurait derrière eux. Quand le moment est venu enfin de plier bagage et de partir, j'avais de la difficulté à me déplacer tellement il y avait d'enfants qui dormaient sur la plage.

Toutefois, la situation cachait une tragédie, car Paulose et sa famille étaient affamés. En une occasion j'ai vu la femme de Paulose qui consolait ses enfants avec un biberon d'eau afin de calmer leurs pincements d'estomac. Ils manquaient d'argent pour acheter du lait. Comme Paulose avait honte de dire à ses voisins non-chrétiens qu'il n'avait rien à manger, il gardait fermées les fenêtres et les portes de la petite maison d'une pièce qu'il louait pour que les voisins n'entendent pas les cris de ses quatre enfants affamés.

Un autre jour, un de ses enfants s'est endormi à l'école tellement il était affaibli par la faim. « J'ai honte de le dire au professeur ou aux voisins. Seul Dieu, mes enfants et ma femme connaissent la vérité. Nous ne nous plaignons pas et nous ne sommes pas malheureux. Nous sommes très contents de servir le Seigneur. C'est un privilège d'être considéré digne de souffrir pour Lui… », m'a-t-il dit.

Même lorsque ses enfants étaient punis pour leur manque d'attention à l'école, Paulose refusait de dévoiler leur secret et de faire honte au nom de Christ. Heureusement, dans ce cas-ci, grâce au soutien de quelques généreux chrétiens américains, nous avons pu lui envoyer une aide immédiate. Mais pour de nombreux autres, l'histoire ne connaît pas toujours une fin aussi heureuse.

Est-ce la faute de Dieu que des hommes comme Paulose ne mangent pas à leur faim? Je ne le crois pas. Dieu a pourvu suffisamment d'argent pour subvenir aux besoins de Paulose et du tiers-monde. L'argent nécessaire se trouve dans les nations très développées de l'Occident. Les chrétiens à eux seuls pourraient, sans avoir à faire de grands sacrifices, combler les besoins des Églises du tiers-monde.

Un ami de Dallas m'a récemment montré une nouvelle église dont la construction a coûté 74'000'000 $. Pendant que l'idée bouillonnait encore dans mon esprit, il m'a fait remarquer un autre bâtiment de 7'000'000 $ qui était en construction à seulement une minute de là.

Ces édifices sont de folles extravagances du point de vue du tiers-monde. Les 74'000'000 $ mis sur un bâtiment aux États-Unis pourraient construire environ 7'000 églises de taille moyenne en Inde. Ce même 74'000'000 $ serait suffisant pour apporter la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ à un état indien au complet, ou même dans quelques petits pays de l'Asie.

Je me prononçais rarement sur ces sujets, par contre. Je réalisais que j'étais un invité. Les Américains qui avaient construit ces édifices avaient également construit l'école où j'étudiais actuellement, et ils payaient mes frais de scolarité. Cela m'étonnait, tout de même, quand je pensais que ces églises avaient été bâties pour adorer Jésus, qui a dit : « Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête » (Matthieu 8.20).

En Asie aujourd'hui, le Christ est toujours sans foyer. Il cherche encore un endroit pour reposer sa tête, mais dans des temples qui ne sont pas faits « de main d'homme ». Jusqu'à ce qu'ils aient leur propre édifice, nos chrétiens nouveaux-nés se réunissent habituellement dans leurs maisons. Dans les communautés non-chrétiennes il est presque impossible de louer des églises.

On accorde une telle importance aux bâtiments aux États-Unis que nous oublions parfois que ce sont les personnes qui constituent l'Église et non leur lieu de rencontre.

Mais Dieu ne m'a pas demandé de m'opposer à la construction de nouvelles églises, nous faisons notre possible pour fournir des bâtiments pour les petites églises grandissantes en Asie chaque fois que nous le pouvons. Ce qui me dérange plus que le gaspillage, c'est que ces efforts représentent souvent une philosophie mondiale. Pourquoi ne pouvons-nous pas affecter au moins dix pour cent des offrandes des chrétiens à la cause de l'évangélisation? Si les seuls chrétiens des États-Unis avaient pris cet engagement en 2000, nous aurions eu 10 milliards de dollars pour annoncer l'Évangile dans le monde!

Photo de K. P. Yohannan
Pasteur
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