Dieu sait toujours comment nous trouver

A la déclaration de guerre, j'avais tout juste 16 ans, et rien ne me prédisposait à devenir une chrétienne fervente, ni même une fervente de quelque religion que ce soit. De nombreux problèmes étaient librement abordés à la table de famille, mais on n'y parlait jamais de Dieu. Je savais seulement que mes parents étaient Juifs, mais leurs pratiques religieuses se limitaient à quelques habitudes résiduelles. Vint l'occupation. Pratiquants ou pas, tous les Juifs devinrent progressivement des hors-la-loi sans ressource.

Pour survivre, il nous fallait trouver de l'aide, et surtout bien placer notre confiance. Une gageure pour tous ceux qui avaient fui le Nord de la France et s'entassaient, masse anonyme perdue sans repère, dans les grandes villes du midi. Une femme juive de Paris, que nous connaissions à peine, nous conseilla de nous adresser à "un pasteur protestant, n'importe lequel", qui nous procurerait un abri. C'était folie de se livrer ainsi à un inconnu, mais nous n'avions pas d'autre issue. Nous avons donc tenté la démarche.

C'est ainsi que je me suis retrouvée dans une vieille ferme cévenole au confort rudimentaire. Il aurait fait piètre figure dans un salon, ce paysan presque édenté, qui mangeait avec un béret sur la tête, mais il avait une noblesse de sentiments et un courage tranquille d'une rare qualité. Il est dans la destinée des réfugiés de beaucoup circuler, et je fus prise en charge plus tard avec un dévouement inlassable par d'autres protestants.

Au début, j'acceptais tous ces bienfaits sans trop me poser de questions : le naufragé ne se demande pas de quel bois est fait le radeau qui le supporte. Ce n'est que bien après, vers la fin de l'occupation, et curieusement, alors que je vivais assez loin de toute influence protestante, que je m'interrogeais : Ces gens, avec la sécurité, m'ont offert une amitié, un sourire, un immense respect de la personne humaine. Avec aucun d'eux je ne me suis sentie une réfugiée anonyme. Ce qu'ils ont, je voudrais le posséder. Je voudrais être sûre que, si je n'étais pas Juive, je serais pitoyable aux Juifs. Je voudrais connaître leur ressort secret.

Je me suis procuré un Nouveau Testament, et tout de suite j'ai été éblouie. Les Évangiles me saisissent. Ils bercent mon angoisse d'une inexplicable manière. J'y trouve un apaisement sans cesse renouvelé dont je ne me lasse pas, une présence, une promesse d'avenir. A la recherche de cette paix merveilleuse dont j'ai tant besoin, je les lis et les relis sans cesse, y découvrant chaque fois une beauté nouvelle. J'ai bientôt mes passages préférés, la plupart dans l'Évangile de Jean, que je me récite par coeur, seul remède à ma peur et à mes insomnies.

Étrangement, je ne me suis pas tout de suite rendu compte que je devenais chrétienne. C'était si contraire en effet à la logique, au bon sens, à la raison, à mon éducation, à toutes mes convictions antérieures. Je m'amuse à lire et relire un beau conte de fée, c'est tout. Pourtant, lentement, bien lentement, s'insinue en moi l'idée que ce texte est si bienfaisant parce qu'il est vrai, d'une vérité indémontrable mais intuitivement sentie, telle que je n'en ai jamais connue.

Quand je m'aperçois enfin clairement que j'y crois vraiment, je me sens d'abord horrifiée, puis révoltée. Je ne veux pas, je refuse d'y croire. C'est stupide, et le moment est mal choisi. Je ne veux pas me désolidariser de mes frères persécutés. Mais je me mets à penser et repenser à tous les chrétiens qui m'avaient secourue, et qui avaient couru tant de risques pour moi. Qu'ont-ils, que je n'ai pas, et qui leur donne du courage ? Comparée à eux, je me sens lâche et coupable. Pensée que je chasse avec un haussement d'épaules. Mais toujours reste en arrière-plan cette pensée inconfortable que, mise à l'épreuve, je ne ferais pas le poids.

De plus en plus résonne en moi l'appel de Dieu quand, soudain, je décide de refuser la foi. C'est trop idiot à la fin de récuser toute mon éducation comme cela, sur une simple impression irraisonnée, de me lancer dans une entreprise hasardeuse, de me démarquer de ma famille et de mes amis, de passer pour une lâcheuse, de m'intégrer tant bien que mal à un milieu qui ne sera jamais totalement le mien. L'appel peut bien retentir, je ne l'écouterai plus. Dieu m'appelle ? Il peut toujours crier, je réponds "non", et c'est fini.
Mais Dieu sait toujours par où nous prendre : l'appel cesse de retentir, et, au lieu du soulagement prévu, j'en ressens un vide si affolant, si désespérant, que je comprends que je n'échapperai pas.
Je me mets à rechercher avidement les passages où Jésus s'affirme véritable israélite. Dieu guide ma recherche, et je les trouve facilement. Je les lis et relis. Alors, chrétienne parce que juive ? Pourquoi pas. Qu'importe si des siècles d'histoire ont creusé un fossé ! Pour moi, il est comblé.

La raison me dit non, mais il y a en moi quelque chose de plus fort que la raison qui me force à dire oui. Un oui bien tâtonnant encore, mais dont je sais maintenant qu'il est définitif.
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